La Toussaint est déjà loin , et Maman Lapin a l'impression qu'hier encore elle regardait partir, le museau humide d'émotion et d'angoisse, sa grande petite Camille au collège pour la première fois.
Il s'en est passé des choses depuis ce jour là.
Camille a essuyé des plâtres. La 6 ème ce n'est plus le CM2... Les rythmes de travail changent, les mentalités aussi.
Difficile de trouver dans la masse des petites filles qui ne soient pas des lolitas, plus préoccupées par la forme et la couleur du cartable ou du pantalon de leur voisine qu'à la formation de leur propre caractère. Difficile de trouver des petites filles qui soient encore des petites filles. Gentilles, naturelles et attentionnées. Qui aiment lire, rêver, courir et sauter à la corde.
Parce que bon sang de bois, elles n'ont que 11 ans !
Et ça parle déjà de fringues, de chanteurs à la mode et de garçons ! Où est passée leur enfance ? Elle n'a pas pu disparaître ainsi en un été, reléguée au grenier comme un vieux jouet usagé ?
Laisser partir sa fille aînée au collège, revenait à dire pour Maman Lapin qu'elle allait la regarder franchir la frontière d'une jungle obscure et grouillantes d'animaux inconnus et dangereux,
sans pouvoir rien faire du tout.
C'est en tous cas le sentiment que Maman Lapin éprouvait le jour J.
Et puis en la voyant revenir enchantée, enthousiaste, malgré les écorchures au coeur faites inlassablement par la bande des pimbêches de sa classe, Maman Lapin avait repris des couleurs, soulagée.
Jusqu'à ce qu'un jour, alors que Maman Lapin allaitait tranquilement ses derniers nés sur son lit à l'heure du goûter, Camille déboula dans la chambre, en trombe et s'écroula sur le lit en pleurs.
Elle n'avait pas pris le temps d'ôter ni ses chaussures, ni son manteau.
Après avoir essuyé les larmes et consolé les sanglots, Maman Lapin put écouter le récit de ses malheurs, et recommencer à pâlir de rage et de peur.
Entre midi et deux heures, Camille, qui est demi-pensionnaire, était tranquilement assise sur le rebord d'une table de ping pong en train de grignoter la pomme de son dessert en attendant que ses amies sortent du réfectoire. Quant une bande de 4 garçons de 13 ans s'approcha d'elle. Deux d'entre eux s'assirent de chaque côté d'elle, les deux autres devant, ne lui laissant aucun moyen de s'échapper. Ils commencèrent à l'accabler de questions en tous genres sur sa vie privée, son emploi du temps, ses activités. Camille, interloquée et intimidée, répondait. Et soudain le ton changea. Le plus grand des 4, "celui qui avait une voix grave", devint enjôleur. "Tu es belle tu sais, je t'aime". Les mains devinrent baladeuses. L'une d'entre elles se posa sur la cuisse de Camille, le bras d'un autre voulut l'enlacer autour des épaules. (Vous aussi vous frémissez d'horreur là maintenant tout de suite ? J'en ai encore des frissons en y repensant). La cerise sur le gateau, le grand accompagna ses propos d'un passage de sa langue sur ses dents, PETIT PERVERS QU'IL EST !!!
C'en était trop pour Camille, dégoutée et affolée, elle sauta sur ses jambes, les bouscula et partit en courant se réfugier à l'autre bout de la cour. Et bien sûr, impossible pour elle de se concentrer sur ses cours de l'après midi, elle était trop chamboulée.
L'histoire se termine bien heureusement.
Maman Lapin a tout de suite prévenu le collège. La responsable de la vie scolaire a pris cela très au sérieux et a organisé une confrontation entre Camille et les coupables pour avoir les deux versions des faits. Camille ne s'est pas laissé intimider, Maman Lapin est très fière d'elle ! Les garçons ont été punis, ils n'ont plus jamais recommencé.
Ces mésaventures ont eu le mérite d'amener sur la table de nouveaux sujets de conversation entre Camille Lapin et ses parents. Sur les garçons, le pouvoir de séduction, la puberté, l'amour, la sexualité, le respect de soi et de l'autre.
Tous ces sujets qui font si peur avant qu'on y soit confronté, et qui finalement, quand le moment est venu, s'abordent tout naturellement, sans non dits et sans faux semblants.
On a d'ailleurs intérêt à les aborder un jour ou l'autre avec notre enfant, parce que ce qu'ils entendent dans la cour de l'école, ou même en cours de Sciences (cf. la théorie du genre !!!!), ce n'est pas vraiment reluisant.
Son bébé Camille est déjà grand, et pourtant Maman Lapin a l'impression qu'hier encore elle la berçait au creux de ses bras pour l'endormir doucement.